Le manque de logements en france : quelles solutions fiscales pour stimuler la construction ?

La crise du logement en France s’aggrave d’année en année, avec un déficit chronique de logements abordables dans de nombreuses zones tendues. Cette pénurie pénalise particulièrement les ménages modestes et les jeunes actifs, tout en freinant la mobilité professionnelle. Face à ce constat alarmant, les pouvoirs publics cherchent à mobiliser tous les leviers possibles pour relancer la construction, et la fiscalité apparaît comme un outil incontournable. Quelles sont les incitations fiscales existantes ? Quelles nouvelles mesures pourraient dynamiser efficacement le secteur ? Analysons les différentes pistes envisagées pour résoudre cette équation complexe.

État des lieux du déficit de logements en france

Le manque de logements en France est un problème structurel qui s’est aggravé ces dernières années. Selon les estimations de la Fondation Abbé Pierre, le déficit se situerait entre 800 000 et 1 million de logements. Cette pénurie se concentre principalement dans les zones tendues, c’est-à-dire les grandes agglomérations et les régions littorales attractives.

Les conséquences de ce déficit sont multiples : hausse des prix de l’immobilier, allongement des files d’attente pour l’accès au logement social, développement de l’habitat indigne et du mal-logement. En 2022, on comptait plus de 4 millions de personnes mal logées en France, un chiffre en constante augmentation.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation critique. Tout d’abord, la production de logements neufs s’est effondrée ces dernières années, passant de 436 000 mises en chantier en 2017 à seulement 376 000 en 2022. Cette baisse s’explique notamment par la raréfaction du foncier disponible, la hausse des coûts de construction et le durcissement des conditions d’octroi des crédits immobiliers.

Par ailleurs, la demande de logements reste soutenue sous l’effet de l’évolution démographique et sociétale : vieillissement de la population, décohabitation des jeunes, augmentation du nombre de familles monoparentales. Ces tendances accroissent les besoins en logements, en particulier de petite taille.

Le déficit chronique de logements en France constitue un frein majeur au développement économique et à la cohésion sociale du pays. Relancer massivement la construction apparaît comme un impératif.

Face à ce constat alarmant, les pouvoirs publics ont mis en place différents dispositifs fiscaux pour tenter de stimuler la construction de logements. Examinons ces mécanismes et leurs limites.

Mécanismes fiscaux actuels pour encourager la construction

Depuis plusieurs décennies, les gouvernements successifs ont instauré diverses incitations fiscales visant à dynamiser le secteur de la construction et de l’immobilier. Ces dispositifs ciblent à la fois les investisseurs, les accédants à la propriété et les bailleurs sociaux. Analysons les principaux mécanismes en vigueur et leur efficacité.

Dispositif pinel et ses limites

Le dispositif Pinel, mis en place en 2014, permet aux particuliers investissant dans un logement neuf destiné à la location de bénéficier d’une réduction d’impôt pouvant atteindre 21% du montant de l’investissement. Ce dispositif très populaire a contribué à soutenir la construction, avec plus de 800 000 logements financés depuis sa création.

Cependant, le Pinel fait l’objet de nombreuses critiques. Son coût pour les finances publiques est élevé (2 milliards d’euros par an) et son efficacité est remise en question. Une étude de l’INSEE a montré que 50% des investissements Pinel auraient été réalisés même en l’absence du dispositif. De plus, il est accusé d’avoir un effet inflationniste sur les prix de l’immobilier.

Face à ces constats mitigés, le gouvernement a décidé de réduire progressivement les avantages fiscaux du Pinel d’ici 2024. Cette décision soulève des inquiétudes quant à son impact sur la production de logements locatifs dans les zones tendues.

TVA réduite dans les zones ANRU

Pour favoriser la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, un taux de TVA réduit à 5,5% s’applique à la construction et à la rénovation de logements dans les zones couvertes par l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Cette mesure vise à attirer les investisseurs et les accédants à la propriété dans ces quartiers en difficulté.

Si ce dispositif a permis de soutenir la construction dans certains territoires, son impact reste limité à l’échelle nationale. De plus, il ne répond que partiellement aux besoins en logements des zones les plus tendues, souvent situées hors des périmètres ANRU.

Prêt à taux zéro (PTZ) et son impact

Le prêt à taux zéro est un dispositif d’aide à l’accession à la propriété qui permet aux ménages modestes de bénéficier d’un prêt sans intérêts pour financer une partie de leur acquisition. Depuis sa création en 1995, le PTZ a connu de nombreuses évolutions et a contribué au financement de plus de 3 millions de logements.

Toutefois, son efficacité est aujourd’hui questionnée. Une étude de l’OFCE a montré que le PTZ avait un effet limité sur la solvabilisation des ménages dans les zones tendues, où les prix de l’immobilier sont les plus élevés. De plus, le recentrage du dispositif sur les zones tendues depuis 2020 a entraîné une baisse significative du nombre de PTZ accordés.

Déduction fiscale denormandie dans l’ancien

Le dispositif Denormandie, créé en 2019, vise à encourager la rénovation de logements anciens dans les villes moyennes. Il offre une réduction d’impôt pouvant atteindre 21% du montant de l’investissement pour les propriétaires qui réalisent des travaux de rénovation représentant au moins 25% du coût total de l’opération.

Bien que prometteur sur le papier, ce dispositif peine à décoller. Selon les chiffres du ministère du Logement, seuls 2 000 logements en ont bénéficié en 2021, loin de l’objectif initial de 10 000 logements par an. La complexité du dispositif et le manque d’attractivité de certaines villes moyennes expliquent en partie ce faible succès.

Les dispositifs fiscaux actuels, bien qu’ayant permis de soutenir la construction ces dernières années, montrent aujourd’hui leurs limites face à l’ampleur de la crise du logement. De nouvelles pistes doivent être explorées pour relancer efficacement la production.

Nouvelles incitations fiscales proposées

Face aux insuffisances des dispositifs existants, de nouvelles propositions émergent pour stimuler la construction de logements via la fiscalité. Ces pistes, issues de rapports parlementaires ou de réflexions d’experts, visent à lever les freins identifiés et à mobiliser de nouveaux acteurs. Examinons les principales mesures envisagées.

Crédit d’impôt pour la construction de logements sociaux

Une des pistes avancées consiste à créer un crédit d’impôt spécifique pour les organismes HLM et les promoteurs privés qui s’engagent dans la construction de logements sociaux. Ce dispositif permettrait de compenser en partie la hausse des coûts de construction et la baisse des aides à la pierre observées ces dernières années.

Le montant du crédit d’impôt pourrait être modulé en fonction de la localisation du projet (avec un taux plus élevé dans les zones tendues) et du type de logement social produit (PLAI, PLUS, PLS). Une telle mesure aurait l’avantage de cibler directement la production de logements abordables là où les besoins sont les plus criants.

Exonération temporaire de taxe foncière pour les nouveaux logements

Pour inciter les communes à accueillir de nouvelles constructions, certains proposent d’instaurer une exonération temporaire de taxe foncière pour les logements neufs. Cette mesure permettrait de lever les réticences de certains maires, qui craignent que l’arrivée de nouveaux habitants ne pèse sur les finances locales.

L’exonération pourrait être limitée dans le temps (par exemple 3 à 5 ans) et compensée par l’État pour ne pas pénaliser les budgets communaux. Elle pourrait également être conditionnée au respect de certains critères environnementaux ou sociaux pour les projets de construction.

Réduction d’impôt pour l’investissement dans les foncières solidaires

Une autre piste innovante consiste à créer une réduction d’impôt pour les particuliers qui investissent dans des foncières solidaires. Ces structures, à mi-chemin entre l’investissement locatif classique et le logement social, permettent de produire des logements à loyer maîtrisé sur le long terme.

En accordant un avantage fiscal aux investisseurs qui acceptent de placer leur épargne dans ces dispositifs, on pourrait mobiliser des capitaux privés au service du logement abordable. Cette mesure s’inspire notamment du succès des Real Estate Investment Trusts (REIT) aux États-Unis.

Abattement fiscal sur les plus-values immobilières

Pour fluidifier le marché immobilier et faciliter les opérations de densification, certains experts préconisent de réformer la fiscalité des plus-values immobilières. L’idée serait d’instaurer un abattement exceptionnel pour les propriétaires qui cèdent leur bien en vue de la réalisation d’une opération de construction de logements.

Cet abattement pourrait être modulé en fonction du nombre de logements créés et de leur nature (logements sociaux, intermédiaires ou libres). Une telle mesure inciterait les propriétaires à vendre des terrains ou des biens sous-occupés, permettant ainsi de mobiliser du foncier pour de nouveaux projets.

Réformes structurelles du système fiscal immobilier

Au-delà des incitations ponctuelles, une refonte plus globale de la fiscalité immobilière apparaît nécessaire pour créer un environnement durablement favorable à la construction de logements. Plusieurs pistes de réformes structurelles sont actuellement débattues.

Révision de la fiscalité des terrains constructibles

La rétention foncière est identifiée comme l’un des principaux freins à la construction dans les zones tendues. Pour lutter contre ce phénomène, une révision de la fiscalité des terrains constructibles est envisagée. Il s’agirait d’augmenter progressivement la taxation des terrains non bâtis situés en zone urbanisable, afin d’inciter leurs propriétaires à les vendre ou à les aménager.

Cette mesure pourrait prendre la forme d’une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, avec un taux croissant en fonction de la durée de détention du terrain. Une telle réforme nécessiterait cependant une mise en œuvre progressive et différenciée selon les territoires pour éviter les effets pervers.

Modulation de la taxe d’aménagement selon les zones tendues

La taxe d’aménagement, payée par les constructeurs lors de l’obtention du permis de construire, pourrait être modulée de manière plus fine en fonction de la tension du marché immobilier local. L’objectif serait d’alléger cette taxe dans les zones où la construction doit être encouragée, tout en la majorant dans les secteurs où la demande est déjà satisfaite.

Cette modulation permettrait d’orienter plus efficacement la production de logements vers les territoires qui en ont le plus besoin. Elle nécessiterait cependant une refonte du zonage actuel, jugé trop grossier par de nombreux acteurs du secteur.

Simplification du régime fiscal des locations meublées

Le régime fiscal des locations meublées, particulièrement complexe, fait l’objet de nombreuses critiques. Une simplification et une harmonisation avec le régime des locations nues sont régulièrement demandées par les professionnels du secteur.

L’objectif serait de créer un cadre fiscal plus lisible et incitatif pour les investisseurs, tout en luttant contre certains abus constatés notamment dans le domaine des locations touristiques de courte durée. Cette réforme pourrait s’accompagner d’un renforcement des obligations en matière de performance énergétique des logements mis en location.

Mesures complémentaires non fiscales

Si la fiscalité constitue un levier important pour stimuler la construction de logements, elle ne peut à elle seule résoudre la crise du logement. D’autres mesures, complémentaires aux incitations fiscales, sont nécessaires pour lever les freins à la production.

Assouplissement des normes de construction

La multiplication des normes de construction ces dernières années est pointée du doigt comme un facteur de renchérissement des coûts et de ralentissement des projets. Un travail de simplification et d’assouplissement de certaines règles pourrait permettre de fluidifier les opérations tout en maintenant un niveau élevé de qualité et de sécurité.

Des pistes comme l’allègement des contraintes de stationnement dans les zones bien desservies par les transports en commun ou la facilitation des surélévations d’immeubles sont notamment évoquées. Ces mesures doivent cependant être mises en œuvre avec discernement pour ne pas dégrader la qualité de vie des habitants.

Accélération des procédures d’obtention de permis de construire

Les délais d’instruction des permis de construire, souvent jugés trop longs, constituent un frein important à la réalisation des projets. Une accélération et une dématérialisation des procédures sont régulièrement demandées par les professionnels du secteur.

La généralisation du permis de construire simplifié pour certaines opérations ou la mise en place de guichets uniques pour centraliser les demandes sont des pistes envisagées. Ces mesures de simplification administrative doivent

doivent s’accompagner d’un renforcement des moyens des services instructeurs pour garantir un examen rigoureux des dossiers.

Mobilisation du foncier public pour la construction

L’État et les collectivités locales disposent d’un important patrimoine foncier sous-exploité qui pourrait être mobilisé pour la construction de logements. Une stratégie volontariste de cession de ces terrains à des prix attractifs permettrait d’accélérer la production, en particulier dans les zones tendues.

Plusieurs pistes sont évoquées pour faciliter cette mobilisation : création d’un opérateur foncier national dédié, assouplissement des règles de cession du domaine public, ou encore instauration d’un droit de priorité pour les projets de logements sociaux sur les terrains publics mis en vente.

Évaluation de l’impact potentiel des mesures fiscales

Si de nombreuses propositions sont sur la table pour stimuler la construction via la fiscalité, leur impact réel reste difficile à évaluer précisément. Plusieurs études tentent néanmoins de projeter les effets potentiels de ces mesures sur la production de logements et le marché immobilier.

Projections de construction de logements à l’horizon 2030

Selon une étude prospective réalisée par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), la mise en œuvre d’un ensemble cohérent de mesures fiscales et réglementaires pourrait permettre d’atteindre un rythme de construction de 500 000 logements par an à l’horizon 2030.

Ce scénario repose notamment sur :

  • Une réforme de la fiscalité foncière pour mobiliser les terrains constructibles
  • Un renforcement des aides fiscales à la construction de logements sociaux et intermédiaires
  • Une simplification des normes et procédures d’urbanisme

Toutefois, ces projections restent conditionnées à une reprise économique durable et à une mobilisation de l’ensemble des acteurs du secteur.

Analyse coût-bénéfice pour les finances publiques

L’impact budgétaire des nouvelles mesures fiscales proposées fait l’objet de débats. Si certaines dispositions comme le crédit d’impôt pour la construction de logements sociaux représenteraient un coût important pour l’État, d’autres comme la révision de la fiscalité des terrains constructibles pourraient générer des recettes supplémentaires.

Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) estime que le coût net pour les finances publiques d’un plan de relance fiscal de la construction serait de l’ordre de 3 à 5 milliards d’euros par an. Ce coût serait toutefois à mettre en regard des bénéfices économiques et sociaux attendus : création d’emplois dans le secteur du bâtiment, amélioration des conditions de logement, réduction des dépenses liées au mal-logement.

Effets attendus sur le marché immobilier et les prix

L’impact des mesures fiscales sur les prix de l’immobilier fait l’objet de projections contrastées. Certains économistes estiment qu’une relance massive de la construction pourrait contribuer à modérer la hausse des prix dans les zones tendues. D’autres pointent le risque d’un effet inflationniste à court terme, notamment si les incitations fiscales sont captées par les propriétaires fonciers.

Une étude de la Banque de France suggère qu’une augmentation de 10% de la production de logements neufs pourrait entraîner une baisse des prix de l’immobilier de 1 à 2% à moyen terme dans les zones tendues. Cet effet serait cependant variable selon les territoires et dépendrait de l’adéquation entre l’offre nouvelle et la demande locale.

La mise en œuvre de nouvelles incitations fiscales pour stimuler la construction de logements soulève des enjeux complexes. Si leur potentiel pour relancer la production semble réel, leur efficacité dépendra de leur calibrage précis et de leur articulation avec d’autres leviers d’action publique.

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